de Jean de la Fontaine
L'Aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
Le trou de l'Escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Etait sûr; mais où mieux? Jean Lapin s'y blottit.
L'Aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'Escarbot intercède, et dit:
"Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux;
Mais ne me faites pas cet affront, je vous en prie;
Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux:
C'est mon voisin, c'est mon compère."
L'oiseau de Jupiter,sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'Escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire
Enlève Jean Lapin, L'Escarbot indigné
Vole au nid de l'oiseau, fracasse, en son absence,
Ses ?ufs, ses tendres ?ufs, sa plus douce espérance:
Pas un seul ne fut épargné.
L'Aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris: et pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert,
Elle gémit en vain: sa plainte au vent se perd.
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.