Le procès de Fouquet

Le procès de Fouquet.
(Lettres de Mme de Sévigné à Mr de Pomponne)
                                                           17 novembre 1664
Aujourd'hui lundi 17 novembre 1664,Mr Fouquet a été pour la seconde fois sur la sellette; il s'est assis sans façon, comme l'autre fois. Mr le chancelier a recommencé à lui dire de lever la main: il a répondu qu'il avait déjà dit les raisons qui l'empêchaient de prêter le serment. Là-dessus Mr le chancelier s'est jeté dans de grands discours,pour faire voir le pouvoir légitime de la chambre; que le roi l'avait établie,et que les commissions avaient été vérifiées par les compagnies souveraines.
Mr Fouquet a répondu que souvent on faisait des choses par autorité, que quelquefois on ne trouvait pas justes, quand on y avait fait réflexion.
Mr le chancelier a interrompu:"Comment! vous dites donc que le roi abuse de sa puissance?3 Mr Fouquet a répondu:" C'est vous qui le dites,monsieur,et non pas moi: ce n'est point ma pensée,et j'admire qu'en l'état où je suis, vous me vouliez faire affaire avec le roi. Mais, monsieur vous savez bien vous-même qu'on peut être surpris. Quand vous signez un arrêt,vous le croyez juste; le lendemain vous le cassez: vous voyez qu'on peut changer d'avis et d'opinion."
"Mais cependant,a dit le chancelier,quoique vous ne reconnaissiez pas la chambre,vous lui répondez,vous répondez,vous lui présentez des requêtes,et vous voilà sur la sellette.--Il est vrai, monsieur,a-t-il répondu, j'y suis; mais je n'y suis pas par ma volonté,on m'y mène; il y a une puissance à laquelle il faut obéir,et c'est une mortification que Dieu me fait souffrir,et que je reçois de sa main: peut-être pouvait-on bien me l'épargner,après les services que j'ai rendus et les charges que j'ai eu l'honneur d'exercer."
Après cela,Mr le chancelier a continué l'interrogatoire de la pension des gabelles, où Mr Fouquet a très bien répondu. Les interrogations continueront, et je continuerai de vous les mander fidèlement; je voudrais seulement savoir si mes lettres vous sont rendues sûrement.
1.Mme de Sévigné,avec La Fontaine et Pellisson,furent à peu près les seuls amis qui restèrent fidèles à Fouquet dans son malheur.
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