Ce matin, Mr le chancelier a interrogé Mr Fouquet; mais sa manière a été différente; il semble qu'il soit honteux de recevoir tous les jours sa leçon par Boucherat
1.Il a dit au rapporteur de lire l'article sur quoi on voulait interroger l'accusé; le rapporteur a lu,et cette lecture a duré si longtemps qu'il était dix heures et demie quand on eut fini. Il a dit:"Qu'on fasse entrer Fouquet", et puis s'est repris,"Monsieur Fouquet"; mais il s'est trouvé qu'il n'avait point dit qu'on le fit venir; de sorte qu'il était encore à la Bastille. On l'est donc allé quérir; il est venu à onze heures. On l'a interrogé sur les octrois:il a fort bien répondu; pourtant il s'est allé embrouiller sur certaines dates, sur lesquelles on l'aurait bien embarrassé, si on avait été bien habile et bien éveillé, mais, au lieu d'^tre alerte, Mr le chancelier sommeillait doucement; on se regardait,et je pense que notre ami en aurait ri, s'il avait osé.Enfin il s'est remis, et a continué d'interroger; et quoique Mr Fouquet ait trop appuyé sur cet endroit où on le pouvait pousser, il s'est trouvé pourtant que par l'évènement il aura bien dit; car dans son malheur il a de certains petits bonheurs qui n'appartiennent qu'à lui.Si l'on travaille tous les jours aussi doucement qu'aujourd'hui,le procès durera encore un temps infini.
1. Boucherat,alors maître des requêtes, et depuis chancelier, avait chargé de faire mettre les scell&s chez le surintendant.Il était de la commission chargée de la poursuite du procès.