L'accent (1866-1955)

L'accent (1866-1955).
Ceux qui n'ont pas d'accent,
Ceux qui n'ont pas d'accent,
je ne puis les plaindre!
Emporter de chez soi les accents familiers,
C'est emporter un peu sa terre à ses souliers,
Emporter son accent d'Auvergne
ou de Bretagne,
C'est emporter un peu sa lande
ou sa montagne.
Lorsque loin du pays, le coeur gros, on s'enfuit,
L'accent? Mais c'est un peu
Le pays qui vous suit!
C'est un peu,cet accent,invisible bagage,
Le parler de chez soi
que l'on emporte en voyage.
Avoir l'accent, enfin,
c'est chaque fois que l'on cause,
Parler de son pays en parlant d'autres choses.
Non, je ne rougis pas de mon fidèle accent,
Je veux qu'il soit sonore et clair,retentissant!
Et m'en aller tout droit,
l'humeur toujours pareille,
En portant mon accent fièrement sur l'oreille.
Mon accent,il faudrait l'écouter à genoux...
Il nous fait emporter la Provence avec nous.
Et fait chanter la voix
dans tous mes bavardages
Comme chante la mer
au fond des coquillages.
Écoutez! En parlant je chante le décor
Du torride Midi dans les brumes du Nord.
Mon accent porte en soi
d'adorables mélanges
D'effluves d'orangers et de parfums
d'oranges.
Il évoque à la fois les feuillages bleu-gris
De nos chers oliviers
aux vieux troncs rabougris,
Et le petit village où les treilles splendides
Éclaboussent de bleu
la blancheur des bastides.
Cet accent,mistral,cigales et tambourins,
A toutes mes chansons donne
un même refrain,
Et quand vous l'entendez chanter
dans ma parole
Tous les mots que je dis dansent la farandole.

Miguel ZAMACOIS (1866-1955), La Fleur merveilleuse

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